« Ce que je vis » – Gilles Pandel – Une rétrospective (1981-2021) Six mois après

La rétrospective du photographe Gilles Pandel, « Ce que je vis (1981-2021) », s’est tenue à Toulouse du 9 septembre au 10 décembre 2021, dans différents lieux : Goethe Institut, Galerie d’art Concha de Nazelle, Université Jean Jaurès (UT2J) – Fabrique, Maison de la Recherche – , et Librairie Études. Ont été exposées 4142 photos, dont la majeure partie a été accueillie dans le Tube (Fabrique), où l’artiste avait aménagé une sorte de temple labyrinthique, et plusieurs cellules suspendues tout le long de la galerie. On pouvait voir sur le mur restant les premiers travaux de l’artiste, réalisés dans les années 1980, et un work in progress à partir d’une série de photos du réalisateur sud-coréen Kim Ki-duk.

La manifestation a bénéficié d’un soutien important de la part de la Commission Diffusion, de la Commission Culture, du CIAM et du CPRS. Sans leurs équipes et l’investissement de chercheurs et chercheuses de différentes unités de recherche de l’UT2J, elle n’aurait pas pu avoir lieu.


I- L’aventure du catalogue

Conçu entre février et août 2021, il a paru dans la première semaine de septembre, peu avant l’ouverture de l’exposition. L’ouvrage rassemble une trentaine de textes de genres très divers, fruits du dialogue que le photographe Gilles Pandel mène depuis plus de quarante ans avec différents penseurs et penseuses, créateurs et créatrices. Les articles scientifiques y alternent avec des contributions artistiques, des entretiens et des témoignages. Pourvu de quatre cahiers photographiques, l’ouvrage est riche de 158 planches qui donnent à voir une expérience sensible en quête d’ancrage, un regard renouvelé sur le visage pour tenter d’approcher et saisir l’humain. Le catalogue bénéficie d’une remarquable mise en page, réalisée par Benoît Colas.
Le catalogue a été largement offert aux partenaires de l’exposition et aux organes de presse. Il a été vendu au prix coûtant de 26 €. Les ventes ont été rares, mais les 300 exemplaires commandés sont presque épuisés, et l’artiste a souhaité en faire réimprimer.
Un
deuxième catalogue – envisagé comme un deuxième tome – est d’ores et déjà en préparation et comprendra, entre autres, les textes des conférences qui ont été tenues durant la rétrospective. Patrick Barrès proposera un nouvel article de fond intégrant les nouvelles orientations de Gilles Pandel. Ce catalogue devrait sortir en 2023 et coïncider avec de nouvelles expositions.
Il n’a pas été possible de réaliser le catalogue trilingue allemand-anglais-français dont on avait le projet, fa
ute d’avoir trouvé un éditeur, par manque de temps et de forces vives. Le catalogue paru comporte toutefois une petite part de textes en langue étrangère et l’exposition a fait l’objet d’un dossier de 30 pages à paraître en allemand dans les annales Alexander Kluge (Jahrbuch 2022, Vandenhoeck & Ruprecht Unipress). Ces premières publications témoignent du rayonnement européen du travail réalisé.

* CE QUE JE VIS. Gilles Pandel. Une rétrospective (1981-2021), catalogue, expositions du 9 septembre au 31 octobre 2021 à l’université Toulouse Jean Jaurès, la galerie Concha de Nazelle, la librairie Études Mirail et au Goethe-Institut de Toulouse, Textes réunis par Hilda Inderwildi et Gilles Pandel. CPRS/UT2J, REPRINT, 2021, 368 pages. Prix : 26 €

II- Fréquentation

L’exposition du Tube a accueilli un vaste public, non seulement des étudiants et des scolaires mais aussi des passionnés et des curieux. Tous n’appartenaient pas au monde artistique ou culturel. On a pu relever trois pics de fréquentation : après l’interview de Gilles Pandel par Arnaud Laporte sur France Culture (5. 10.), la parution du billet de blog de Jean-Pierre Thibaudat « Gilles Pandel, infra photographe » (Mediapart, 21. 10.), et celle d’un article substantiel dans Art Press (N° 493, novembre 2021). Même si la communication au plan régional a semblé avoir moins d’impact, les relais, notamment sur twitter et facebook, par différents artistes ou acteurs du monde culturel ont également permis à de nombreux habitants de la Cité du Mirail, de Toulouse et de sa région de découvrir l’exposition.
 

Manifestation amie du Printemps de Septembre, l’exposition a parfois bénéficié des visites organisées pour Yves Bélorgey au Cube, et retenu l’attention d’un journaliste belge, notamment. Le Goethe-Institut en a fait la promotion auprès de l’ambassadeur et du consul général d’Allemagne qui se sont déplacés à la Fabrique. Dans le cadre de ses relations avec l’Occitanie, et en s’appuyant sur les lecteurs DAAD, le Goethe-Institut a également favorisé la visite d’étudiants montpelliérains. Ont aussi fait le déplacement la dramaturge Ruth Orthmann, la danseuse Susanne Böhmisch, la chercheuse-photographe Amélie Leforestier et la Finlandaise Sara Elo Dean... Le retentissement aura été globalement plus national et international.

L’entretien avec Christian Caujolle et la conférence de fin n’ont pas pu avoir lieu, mais la rétrospective s’est tout de même accompagnée de visites guidées régulières et de plus de 27 manifestations, scientifiques ou artistiques (conférences, lectures, interviews, interviews performances, happenings, masterclass et tables rondes), avec de nombreuses personnalités, notamment la comédienne Sophie Semin, la chorégraphe Christine Bastin, le photographe Xavier Lambours, l’auteur Jacques Henric, les artistes chercheurs Don Foresta et Edwige Armand, ou l’historienne de l’art Hélène Sirven, pour ne citer qu’eux. Ces manifestations, sans doute pour des raisons également liées à la COVID 19, n’ont pas toujours été suivies à la mesure de ce qu’on aurait pu espérer. Les vernissages à la Galerie Concha de Nazelle, au Goethe-Institut et à la Fabrique, de même que le débat sur l’usage du faux entre Gilles Pandel et Anne Lagny (ENS de Lyon) dans le cadre du festival « L’Histoire à venir », ont bénéficié d’un public important et ont suscité des échanges nourris.

Rencontre avec Gilles Pandel, Goethe-Institut, 11 septembre 2021
 

III- Au croisement des disciplines et des arts

La manifestation se voulait fédératrice et, sur ce plan, elle a tenu ses promesses. Les collaborations interdisciplinaires attendues au sein de différents laboratoires de recherche UT2J – entre autres CLLE, CREG, ERRAPHIS, LARA-SEPPIA, LLA-CRÉATIS et PLH – se sont opérées, avec les participations de Patrick Barrès, Fabienne Bercegol, Marion Gautreau, Jean-Christophe Goddard, Michèle Guidetti, Aurélie Herbet, François Le Goff, Stéphane Pujol, Gérard Tiné… Des doctorant·e·s et des jeunes docteur·e·s ont également participé de manière active, notamment Olivia Dorado (LARA-SEPPIA), Marilena Karra (ERRAPHIS), Tristan Kuipers (CREG), Solène Scherer (CREG) et Mathilde Thouron (LRA). Ils ont livré des textes, accompagné la communication ou filmé les différentes manifestations. Les étudiants du Master « Métiers de l’art. Régie, Documentation, Médiation » ont également été associés, et leur concours a été précieux.

Les œuvres de Gilles Pandel sont le fruit de dialogues nourris et vifs, de grandes curiosités et non moins grandes tendresses, d’hybridations assumées. En l’absence de Jann Gallois, Christine Bastin et Aura Pisani ont incarné le dialogue de la photographie et de la danse. Marc Cholodenko, Jacques Henric et Claudine Hunault, celui des textes et des images. Xavier Lambours, celui des images entre elles. Une initiative du Goethe-Institut proposant des 1:1 concert© dans le cadre des expositions dans ses murs et à la galerie Concha de Nazelle a permis de faire place à la musique, souvent oubliée quand il est question des œuvres de Gilles Pandel, alors que sa création est très proche de la pensée du son de Philippe Manoury.

Carte blanche à la chorégraphe Christine Bastin : Corps et images en dialogue, Fabrique, 30 septembre 2021
 

IV- Quelques suites sur le plan intérieur et extérieur

Différentes acquisitions d’œuvres du photographe Gilles Pandel ont été possibles à l’UT2J. Une série de photographies de Michel Serres est accrochée au Gai-Savoir, un portrait de Bruno Ganz trouvera bientôt sa place à la Section d’allemand, un autre d’Alexander Hollan au CREG. Une série de mains de Peter Handke, exposée au Goethe-Institut, est à paraître dans la revue Austriaca n°92, « La liberté de l’art. Peter Handke et l’autonomie de la littérature » (septembre 2022). Pour le reste, l’artiste a vendu deux photos d’Ai Weiwei, deux d’Aura et une de Maria Alyokhina qui ont rejoint des collections particulières.
Olivia Dorado (chargée de cours à l’ENSAV, doctorante au LARA-SEPPIA) a suivi l’ensemble des manifestations caméra au poing. Elle a également mené de longues interviews avec le photographe et différents spécialistes en vue de réaliser un documentaire sur Gilles Pandel, qui se déclinerait en version brève et en version longue – cette dernière étant pensée pour ARTE.
Des amitiés, personnelles et scientifiques, se sont nouées autour de l’artiste. Christian Thorrel (Ombres blanches) accueillera fin 2023 une exposition des œuvres de Gilles Pandel dans sa galerie de la rue Mirepoix.

Sur le plan du rayonnement international, la manifestation et le catalogue ont retenu l’attention de Thibaut de Champris, directeur de l’Institut français de Munich. Il propose une exposition, également en 2023 et en partenariat avec le Centre culturel suisse.
L’art de Gilles Pandel s’est nourri de la rétrospective qui l’a orienté plus résolument vers la couleur et la figuration des femmes. Il se tourne à présent vers les grands singes dans le visage desquels il veut chercher l’humain.


Aura Pisani devant la série « Aura », Galerie Concha de Nazelle, 9 septembre 2021

Aura Pisani devant la série « Aura », Galerie Concha de Nazelle, 9 septembre 2021
 

À titre personnel, cette rétrospective a représenté une expérience inédite du commissariat d’exposition, inédite et un peu folle, par son format et ses ambitions dans un temps très resserré, marqué par la pandémie. Les enseignements ont été riches, et la satisfaction est maintenant entière, en particulier au regard de la dynamique collective qu’a engendrée ce projet pharaonique lancé avec des bouts de ficelle mais beaucoup d’enthousiasme. Ma reconnaissance pour tous les acteurs de cette réussite est sincère. Ce bref bilan est aussi l’occasion de la leur exprimer.

Hilda Inderwildi

Toulouse, le 25 juin 2022