Transmission orale, transmission écrite : la mémoire en mouvement

Publié le 14 janvier 2014 Mis à jour le 18 février 2022
le 21 février 2014 Maison de la recherche:
D 155 (matin)
OBM 4 (après-midi)

Journée d'études des doctorants


Le but de cette journée d'étude est d'interroger les mécanismes de transmission et de réception que met en œuvre la mémoire, prise dans sa double acception de contenu et de contenant. Nous nous intéresserons plus particulièrement au processus de création mémorielle, résultat d'un mouvement conjoint de préservation, d'alimentation et de renouvellement de l'héritage. Cette réflexion sera l'occasion d'étudier les rouages de cette œuvre transgénérationnelle et parfois transculturelle de transmission. Quelles formes de transferts permettent de nourrir la mémoire ? Quels en sont les enjeux socio-culturels ? La culture de la mémoire, dans tous les sens du terme, se limite-t-elle à une lutte contre l'oubli ? Quels sont en sont les transmetteurs et les légataires ? Nous articulerons la réflexion autour du couple dialectique écriture / oralité, et à son corollaire fidélité / altération, afin de comprendre en quoi cette double tension crée les conditions d'émergence d'une dynamique mémorielle.
 
        En effet, les cultures de l'écrit reposent sur une méfiance originelle envers la parole, trop volatile, trop volage, tandis que le mot, une fois fixé par l'écriture, assurerait son immuabilité : l'écriture aurait pour elle l'éternité et l'universalité, opposant sa pérennité à notre finitude humaine. Cela cantonne-t-il pour autant le dire à la seule sphère de la subjectivité ? Cela amène à soulever la question d'un écrit qui relèverait de la raison, tandis que l'oral resterait dans le strict domaine sensible. Par ailleurs, il ne serait pas inutile de questionner la notion d'universalité : pourquoi serait-elle gage de vérité ?

        Ce déséquilibre apparent donne lieu à un large spectre de questionnement. Il sera par exemple possible de se pencher sur la question des sources historiques : quelle place les historiens sont-ils prêts à accorder au témoignage oral ? Le rapport au témoignage parlé évolue-t-il ? A contrario, la source écrite est-elle forcément plus factuelle ? Ne peut-on pas faire mentir jusqu'aux chiffres ? Par ailleurs, la mémoire elle-même, au niveau individuel, est-elle un outil fiable, si l'on considère qu'elle passe par le double filtre de la subjectivité et du ressouvenir ? Partant de là, ce qui est valable à titre individuel le serait-il aussi à titre collectif ? Ce doute suffit à justifier la proposition consistant à faire du patrimoine mémoriel une création, fût-elle inconsciente, et non une simple opération de conservation muséale. S'impose ici la notion de refoulement : comment transmettre un legs intact si certaines composantes s'en retrouvent amputées – consciemment ou non ? Et à l'inverse, la lutte contre ce phénomène de refoulement ne donne-t-elle pas lieu à une inflation mémorielle, ou encore à une mémoire difforme, dont certaines zones se retrouveraient hypertrophiées ? On pourra également s'interroger sur le rôle des écrivains qui s'inscrivent en faux contre la tendance générale, en faisant de leur œuvre le lieu du resurgissement du refoulé, que ce soit à titre autobiographique à l'échelle d'une génération.

        Par ailleurs, ce qui est écrit est-il fidèle à l'original, dans la mesure où il a été raconté, chanté, traduit, adapté plusieurs siècles durant ? Mais cette notion d'original est-elle pertinente, dans la mesure où c'est souvent le livre écrit qui fait référence, et non la parole source, comme pour les textes homériques ? Autrement dit, la source et son adaptation doivent-ils être considérés comme deux objets distincts, qui occuperaient une place duale dans l'héritage ? Par ailleurs, la mémoire se comporte-t-elle de manière différente selon que la source lui sera plus ou moins endogène ? Quel rôle mémoriel attribuer au travestissement parodique ? L'original peut-il être à la fois plastique et inaltérable ? Dans cette optique, on pourra également interroger la notion de pureté, notamment au travers des mouvements dits de retour aux sources : qu'il s'agisse de pratiques langagière, de récits ou d'images, quels élans poussent non seulement à la préservation, mais aussi à l'exhumation de l'ancestral, qui se retrouve alors paré de toutes les vertus de la pureté originelle ?


Programme